L’illusionnisme d’élitisme en autisme – partie 2

À l’âge adulte, l’autisme devient presque « invisible » pour la plupart des autistes. L’autisme qui représentait bien la « prototypicalité[1]» qui était très présente à l’âge préscolaire « s’atténue » lorsque l’on n’observe que les comportements externes. Les autistes prototypiques[2]pour lesquels l’autisme apparaissait envahissant semblent disparus une fois l’autiste devenu adulte. De plus, si leur diagnostic n’est qu’émis à l’âge adulte, se pourrait-il qu’ils reçoivent la mention « Asperger » ? Avons-nous omis de tenir compte de son enfance ? Croyons-nous encore d’un spectre linéaire de l’autisme ? Commettons-nous une erreur de diagnostic ? 

Nous oublions également qu’il existe des adultes autistes, prototypiques (Kanner), qui prennent la parole. Nous n’avons qu’à penser à Temple Grandin, Naoki Higashida, Amy Sequenzia, Donna Williams et par chez nous, Michelle Dawson, Brigitte Harrisson et Mélanie Ouimet. Et bien d’autres comme Valérie Picotte ou Richard Marcotte du blogue collectif « Je suis tombé en bas de ma bulle », ayant reçu un diagnostic d’Asperger à l’âge adulte ne sont pas en accord avec cette appellation d’exclusion qui ne représente pas leurs réalités depuis l’enfance, leur fonctionnement perceptif et se définissent comme autistes. Le niveau de soutien dont la personne autiste a besoin est variable et multifactoriel, qu’elle soit prototypique ou Asperger. Autant, l’autiste dit prototypique que l’Asperger peut avoir un niveau de besoins allant de peu élever à très élever. Nous pouvons donc avoir un Asperger ayant besoin d’un soutien élevé et un autiste prototypique n’ayant que très peu besoin de soutien. Les facteurs sont indépendants du « type d’autisme ».

Ainsi, dans les deux profils, nous retrouvons des forces et des difficultés. Les forces et difficultés varient significativement d’un individu à l’autre. Nous pouvons donc avoir une personne autiste qui peut regarder dans les yeux pour de courtes périodes, comprend le sarcasme dans certains contextes, parvient à maintenir une conversation, ne montre pas de signes de stéréotypie et ne fait pas de crises en public. Cette même personne peut également être en difficulté pour répondre au téléphone parce qu’elle fige, pour aller seule à l’épicerie à cause des gens, entendre plusieurs conversations en même temps sans tomber dans un état lointain, à cause de la surstimulation sensorielle. Cette personne pourrait aussi bien être autiste prototypique ou Asperger. Tous peuvent vivre avec de grandes difficultés ou avec de grandes forces. Cela est sans compter ces personnes autistes qui ignorent leurs difficultés, car elles compensent depuis si longtemps qu’elles croient ne pas en avoir. Jusqu’au jour où elles heurtent un mur et s’écroulent. Là seulement, elles le réalisent. Il est facile de se considérer au-dessus de tous, lorsqu’on ignore nos difficultés[3].

Ce qui unit les autistes est le fonctionnement atypique de leur cerveau, en rapport à un fonctionnement dit typique. Il n’y a donc pas de supériorité, de hiérarchie, entre personne autiste et autiste Asperger ou entre personne autiste et non autiste. Il n’y a que des modes de fonctionnements différents, de procéder l’information, d’apprendre et de s’épanouir.

Comme l’a dit le docteur Laurent Mottron, dans le cadre d’une conférence présentée à Montréal en 2014 :

« Vous savez dans le DSM, on parle de sévérité. Alors, en général, lorsque les parents demandent : « Est-ce que mon fils est un autiste sévère ou pas sévère ? » C’est avec l’idée qu’un autiste pas sévère, c’est un asperger et qu’un autiste sévère, c’est un autiste qui n’a pas de langage oral. Et pourtant, il n’y a aucun rapport, entre le phénotype, jusqu’à l’âge de 4 ans et le niveau d’intelligence, et le niveau qui sera atteint à l’âge adulte. Donc quand vous cherchez les corrélations, entre l’intelligence, qu’elle soit exprimée, par Raven ou par le Wechsler et puis le score ADI-R[4], qui est jusqu’à quel point la personne est autiste. Lorsque vous allez vers 30 ou que vous êtes sur un score de 30, c’est un « surautiste[5] », c’est quelqu’un qui a tous les signes cotés au maximum, il n’y a aucune corrélation entre l’intelligence et le niveau d’autisme. Donc il faut définitivement sauter la notion d’autisme sévère.Il faut, remplacer sévérité par prototypicalité, plus vous êtes prototypique, plus vous avez de chances que tout le monde sur la terre appelle ça un autiste.Donc quand vous avez un tableau autistique, très, très, marqué, cela ne veut pas dire que vous êtes plus déficient pour autant. Et l’on a exactement le même résultat, non pas avec la prototypicalité, mais avec l’âge de début du langage. »

Comme le mentionne le docteur Mottron, il n’y a aucune corrélation entre le résultat aux tests d’intelligence, l’utilisation du langage oral et le score « autiste » atteint dans la passation de l’ADI-R. Ce dernier permet d’identifier si des traits autistiques sont ou étaient présents dans l’enfance, mais tient également compte de la situation clinique actuelle de la personne. Des notes entre 0 et 3 sont attribuées aux comportements et permettent de définir la présence et l’intensité des troubles autistiques.[6]Ce qui explique que certaines personnes avec un score ADI-R très élevé ne cadrent pas dans les « stéréotypes » visibles de l’autisme. C’est pourquoi le docteur Mottron plaide pour l’utilisation du terme « prototypicalité » pour définir l’autisme le plus stéréotypé et visible.

Par ailleurs, rappelons que le mouvement de la neurodiversité s’oppose aux idéologies hiérarchisant les êtres humains entre eux et s’oppose aux qualificatifs discriminants tels que « déficient », « incapable », « insuffisant ».

Un texte co-écrit par Richard Marcotte, Mélanie Ouimet et Valérie Picotte

Références :

[1]Le caractère d’un prototype. https://www.universalis.fr/dictionnaire/prototypicalite/

[2]. En sciences cognitives, la théorie du prototype est un modèle de catégorisation graduelle, dans lequel certains membres de la catégorie sont considérés comme plus représentatifs que d’autres, par exemple. https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_du_prototype

[3]Courchesne, V., Nader, A.-M., Girard, D., Danis, É., Bouchard, V. et Soulières, I. (2016). Le profil cognitif au service des apprentissages : Le potentiel des enfants sur le spectre de l’autisme (https://www.researchgate.net/publication/304497105) *(Les études montrent que les personnes autistes apprennent par des processus différents. Ce qui peut favoriser les apprentissages chez un individu typique peut provoquer un tout autre effet chez une personne autiste.)

[4]Le Autism Diagnostic Interview — Revised

[5]« surautiste » : une personne autiste ayant coté près du maximum, ou au maximum  à l’ADI-R

[6]http://comprendrelautisme.com/les-tests/ladi-r/

Rien ne sert de se regarder de haut…

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