Comment ai-je fait un BAC en danse en étant autiste?
Partie 1
Bon premièrement, il faut dire que je ne savais pas que j’étais autiste à l’époque. Ni mon entourage. On savait tous que j’étais un peu spéciale, mais rien de plus. Ensuite, il faut comprendre que j’ai travaillé très fort pour en arriver où je suis aujourd’hui, avec les capacités que j’avais à ma disposition. Non seulement pour la coordination des enchainements en danse ou pour la socialisation avec les autres humains (étudiants), mais même avant ça, pour obtenir mon DEC en danse.
Au Cégep, quelles étaient mes plus grandes difficultés ? : l’écriture et la lecture. Dans quels cours ? En français, en anglais et en philosophie. Tous des cours qui demandent de composer des textes, de structurer sa penser et d’étayer son opinion, mais aussi, qui demandent de LIRE des textes. C’était souvent une tâche lourde et fastidieuse avant de commencer ma médication. C’est ainsi que j’ai passé près de sept années « ON » et « OFF » au cégep. Des années où j’ai crû, j’y ai vraiment crû, que j’étais une imbécile. Ne pas être bon à l’école, pour beaucoup de gens, rhyme avec « ne pas être intelligent ». Quoique ce ne soit plus quelque chose que je crois aujourd’hui, mais c’est quelque chose que j’ai longtemps, très longtemps, pensé.
J’ai pris quelques années de pause de mes cours de français pour me concentrer sur le tutorat en français. Oui, j’ai choisi de continuer le tutorat tout en arrêtant toutefois les cours de français. J’ai eu ce sentiment à un moment de mon cheminement académique que rien ne servait de continuer à m’humilier de la sorte avec des professeurs qui se croyaient tellement supérieur, tellement plus intelligents que moi parce que je pouvais faire trois fautes dans un seul mot, en me disant que je devais vraiment être stupide… devant les autres élèves… Oui, c’est vraiment arrivé. Quand j’y repense, c’est quand même fort de réussir un tel exploit, de faire une faute de conjugaison, d’orthographe et de syntaxe dans juste un mot. Je pense que c’est comme une sorte de super-pouvoir ! (Je blague)
Avec le tutorat j’ai appris les bases. J’ai appris ce que je n’avais pas appris au primaire, et au secondaire aussi d’ailleurs, parce qu’à l’époque j’étais trop « dans ma bulle ». Vous savez cette bulle dont les parents d’autistes vous parlent ? Cette bulle-là. J’étais calme, j’étais mignonne, mais j’étais dans mon monde. C’est fou le nombre de choses dont je n’ai pas eu conscience à l’école, en dehors du fait que j’avais remarqué que les autres me trouvaient parfois un peu bizarre.
Je me souviens que la professeure nous demandait de venir écrire au tableau et que parfois je n’avais strictement aucune idée de ce qu’elle attendait de moi que je fasse. Je me demandais aussi régulièrement où les autres élèves avaient pu apprendre tout ça, alors que moi je n’avait rien vu de qu’ils écrivaient au tableau. Je faisais mes devoir et mes leçons pourtant. c’était avant d’habiter chez mon père, à partir de là je n’avais plus d’encadrement. Je ne savais pas ce que j’étais sensée faire en revenant de l’école et surtout, comment j’étais supposée le faire. Je manquais énormément d’auto-détermination et je n’arrivais pas à structurer par moi-même les tâches que j’avais à faire. En fait, je ne suis même pas certaine qu’à cette époque j’étais consciente des tâches que je devais faire.
Toutes ces choses, je les apprises à l’âge adulte, lorsque j’étais enfin prête à recevoir les informations pertinentes à mon développement et à comprendre leurs utilités. Pareil pour les règles de français, lorsque je fut prête à accueillir l’information, mon cerveau à fini par l’absorber et à le mettre en pratique. Je crois qu’on se fait tellement bombarder d’informations de toutes sortes durant notre éducation que le cerveau se replie un peu sur lui-même lorsqu’il se sent submergé.
C’est d’ailleurs un des traits de ma façon d’apprendre. Je ne me lancerai pas à l’eau tant que je me sentirai pas en maitrise d’un sujet. Il n’est pas rare de voir un enfant autiste ne pas nommer une seule couleur avant d’être certain de bien les connaitre. On l’entendra un jour nommer toutes les couleurs, sans l’avoir jamais entendu en nommer une seule avant. Ou le cas d’un enfant qui ne dira pas ses premiers mots, mais plutôt ses premières phrases complètes.
Ceci-dit, j’ai eu une sorte de retard dans mon développement au niveau académique, mais cela ne m’a pas empêché de passer au travers de toutes mes années scolaires, de la maternelle en allant jusqu’à ma 5e année du secondaire (sans trop réaliser ce que je faisais). Jai eu la chance de pouvoir quand même réussir sans trop être attentive. Si on peut vraiment appeler ça de la chance. Ça, c’était avant la réforme. Avant qu’ils ne fasse plus doubler les enfants.
J’ai doublé des cours au secondaire. Anglais en première année. Puis mathématique en deuxième année. Puis français en quatrième année. Ils ont donc décidé de me refaire faire ma quatrième au complet. J’ai bien failli tout lâcher. C’est alors que ma soeur m’a fait un speech. Quelqu’un se souciait de moi, ça m’a redonné courage. En cinquième secondaire j’ai finalement eu un méritas en mathématique, ma professeure de français m’a demandé d’aider une autre étudiante avec sa structure et j’ai enfin réussi à retenir quelques notions en anglais.
Aujourd’hui, j’ai finalement pu terminer tous mes cours nécessaires à l’obtention de mon diplôme d’études collégiales et j’ai terminé pu obtenir une reconnaissance de niveau linguistique en français. J’aide régulièrement des gens, ainsi qu’un blogue, dans la révision et la correction de texte. Mes notes à l’université ont augmenté significativement et je n’angoisse plus autant lorsque je dois rendre un travail écrit. J’ai aussi dû travailler fort pour y arriver, mais les résultats sont fort satisfaisants.
Paya Peste
