Les émotions dans mon apprentissage

Comment ai-je fait un BAC en danse en étant autiste?

Partie2

Dans mon premier texte, je soulignais les difficultés que j’ai rencontrées lors de mon parcours scolaire à cause de mes lacunes en français écrit. Ayant été « dans ma bulle » étant enfant, j’avais manqué les notions de base de français. Ici je parlerai de mon parcours en danse.

Lorsque j’ai appris que je suis autiste, étant étudiante en danse les questions qu’on m’a posées étaient souvent en lien avec mon choix de domaine d’étude. Certains ne voient aucune d’incohérence entre « autisme » et « danse » ; et tant mieux. Mais d’autres personnes voient des raisons pour lesquelles avoir choisi ce chemin de vie a pu être un défi pour moi plus que pour un autre. Pour certaines personnes, ce sont l’expression des émotions, ainsi que l’aspect social et tactile de la danse qui auraient pu être des obstacles.

Je commencerai d’abord en vous disant que toutes les personnes autistes ne rencontrent pas ces mêmes difficultés quant à la coordination ou l’expressivité. En discutant sur des groupes, j’ai découvert certaines personnes pour qui ça ne s’appliquait pas. Certains aiment bouger sur le rythme pour elles-mêmes, sans avoir à suivre une chorégraphie ou des pas, mais ne sont pas heureuse avec des comptes et des enchainements imposés. À l’inverse il y a ceux pour qui s’il n’y a pas de compte, de pas de danse, d’enchainement chorégraphique ils ne savent pas du tout quoi faire et trouvent leur bonheur à travers des classes techniques dirigées. Pour certains c’est de s’exprimer librement sans contrainte, pour les autres c’est d’avoir une ligne directrice claire et précise dans laquelle ils peuvent vivre également leur plaisir.

Pour répondre aux questions ci-haut, oui, exprimer mes émotions est souvent un problème pour moi.

En fait, surtout lorsqu’on me demande d’exprimer des émotions qui ne sont pas les miennes que je dois « faker », faire semblant. Déjà que je n’exprime pas énormément mes émotions, car je les vie de l’intérieur et non pas en les extériorisant, ce n’est pas évident d’exprimer des émotions que je ne ressens même pas. Je peux être très heureuse de recevoir quelque chose en cadeau ou lorsque quelqu’un me dis un compliment (quoique ça me rende souvent mal à l’aise). Mon visage ne vous le dira peut-être pas, mais pourtant, parfois à l’intérieur de moi c’est comme un feu d’artifice. C’est comme si je subissais des « implosions » émotionnelles. Au lieu d’exploser de joie, j’implose. Même chose pour la tristesse ou la colère. Vous voyez l’idée. Alors bonjour « l’expressivité ». Pourtant, j’arrive à être très expressive lorsque je parle avec les gens. Tant que ça n’implique pas d’émotions, ça se gère haha. Lorsque les émotions s’invitent, je fige. (J’ai appris l’expressivité pour rendre mes conversation moins monotones).

D’ailleurs, j’ai souvent du mal à reconnaître les émotions que je vie et je ne ressens pas la même gamme d’émotion que la majorité des autres personnes. J’ai « la joie », « la peine », « la colère ». Dernièrement j’ai appris que la peur était une émotion. Pour moi c’était plutôt un état de corps. Pour rire, je demande parfois à des amis si « la faim » est une émotion. Je me trouve bien drôle. Mais c’est ma réalité. Les émotions ne sont pas mon fort. Entre la joie, la peine et la colère j’ai ensuite des nuances de « bof ». Il ne faut pas être surpris si on me demande « Comment vas-tu ? » et que je réponde « Je ne sais pas » au lieu de « Bien ! Et toi ? ». J’ai appris à répondre systématiquement ce qui est attendu socialement de répondre, mais en réalité, je ne sais vraiment pas. Reposez-moi la question quelques heures plus tard, j’aurai peut-être trouvé la réponse entre temps.

Aussi, l’un des problèmes que j’ai vécus, c’est que la danse contemporaine à Montréal ce n’est pas comme la danse que l’on voit dans des émissions de télévision dans le genre de So you think you can dance, dans les vidéos clip de musique populaire ou comme des vidéos que j’ai souvent vues circulées sur les réseaux sociaux. Je n’ai jamais fait quoique ce soit qui ressemble à cela durant mes 3-4 années de BAC. Ma difficulté avec ça c’est qu’après m’être fait à l’idée que c’était ça la danse contemporaine, je ne comprends plus ce que les gens attendent de moi en terme d’expressivité. Je suis soit trop expressive ou soit trop neutre. Les limites entre l’expressivité « en danse » et la « théâtralité » me sont très abstraites et impalpables. La ligne qui les sépare peu être mince ; je ne sais pas quelle est la limite, je ne l’ai pas encore trouvée. De plus, je ne suis pas très habile pour « faire semblant » de façon crédible. La majorité des autistes que je connais ne savent pas comment non plus.

Savoir ce qu’on attend de moi

Aussi, l’un des problèmes que j’ai vécus, c’est que la danse contemporaine à Montréal ce n’est pas comme la danse que l’on voit dans des émissions de télévision dans le genre de So you think you can dance, dans les vidéos clip de musique populaire ou comme des vidéos que j’ai souvent vues circulées sur les réseaux sociaux. Je n’ai jamais fait quoique ce soit qui ressemble à cela durant mes 3-4 années de BAC. Ma difficulté avec ça c’est qu’après m’être fait à l’idée que c’était ça la danse contemporaine, je ne comprends plus ce que les gens attendent de moi en terme d’expressivité. Je suis soit trop expressive ou soit trop neutre. Les limites entre l’expressivité « en danse » et la « théâtralité » me sont très abstraites et impalpables. La ligne qui les sépare peu être mince ; je ne sais pas quelle est la limite, je ne l’ai pas encore trouvée. De plus, je ne suis pas très habile pour « faire semblant » de façon crédible. La majorité des autistes que je connais ne savent pas comment non plus.

Pour y arriver, je dois d’abord me mettre dans un état pour y arriver. Sauf que pour atteindre le résultat qu’on veut de moi il faut soit que « les consignes soient claires » soit que « la personne qui donne les directives accepte que ça ne donnera pas *exactement* le résultat qu’elle imaginait » (si nous sommes encore dans le processus d’exploration), et que c’est correct comme ça, car ça apporte des idées différentes et que ça peut faire avancer la chorégraphie où il n’y avait pas pensé.

Par exemple, une personne qui me dit d’imaginer une image mentale, qui pour elle lui inspire le bien-être, ne déclenchera pas la même chose pour moi. Cette personne doit donc se brancher entre « me dire le résultat qu’elle recherche » ou « me donner cette image afin d’explorer les résultats différents possibles que cela déclenche chez chaque danseur ». Si je veux réussir, je dois alors prendre l’initiative d’imaginer autre chose par moi-même ou partager avec mon/ma collègue que ça ne fonctionne pas pour moi.

Cela semble inoffensif vu comme ça, mais mon besoin d’avoir des instructions claires ou d’accepter qu’il y aura des surprises peut parfois créer de l’impatience chez certains. Par chance, j’ai rencontré des gens qui trouvaient ça enrichissant. Mais j’ai aussi eu des gens pour qui j’ai eu l’impression de leur faire perdre leur temps et leur énergie. Cela crée alors de la frustration chez la personne qui dirige autant que chez celle qui est dirigée et peut aussi parfois engendrer beaucoup de remises en question chez moi.

Je sais que les exemples ci-haut peuvent paraître abstraits pour plusieurs qui liront, car si on ne danse pas ça peut être dur à comprendre, mais en gros, oui l’expressivité en danse, c’est difficile pour moi dans certaines situations spécifiques. La bonne nouvelle c’est que je me suis amélioré au cours des années et que je m’améliorai encore à l’avenir.

Pour ce qui est de l’aspect social et tactile de la danse, certes ça m’a pris quelques années pour m’acclimater au regard des autres, à laisser entrer les gens dans ma bulle et de rentrer à mon tour dans la leur. Se mettre à nu devant les autres avec toutes ses faiblesses à chaque cours, c’est vraiment très intimidant. Surtout lorsqu’on a l’impression que tout le monde est meilleur que soi. Mais ce l’est pour tous les autres étudiants également.

Je crois que grâce à la danse j’ai pu apprendre à m’ouvrir aux autres, être moins gênée, m’habituer à être touchée (comme pour une caresse ou quelqu’un qui pose sa main sur mon épaule). C’est con comme ça, mais à 16 ans je ne pouvais pas commander seule au restaurant. J’étais beaucoup trop anxieuse et gênée. Maintenant j’y arrive sans (autant de) problème. Mais c’est ma passion et j’étais prête à me rendre là en échange.

Donc, oui ce fut des défis, mais c’était très formateur.

Paya Peste

La suite la semaine prochaine <3

Je ferai un autre texte, plus tard, sur la complexité des émotions chez moi. D’ici-là, bonne lectures <3

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