Un survol sur les commentaires que j’ai lu sur le mouvement #RedInstead et autres
- Mais ça a toujours été le bleu. (On a toujours fait comme ça.)
- Et si on essayait d’abord de s’entendre et faire la même chose, ça aurait pas mal plus d’impact. Ce ne serait pas mieux de s’unir plutôt que de se chamailler?
- Mais pour moi la pièce de puzzle ça ne veut pas dire ça. Votre définition stupide ne vient pas me rejoindre.
- Mais je n’aime pas le rouge…
- Ici en France ça fait des années que nous utilisons le bleu et nous ne connaissons pas Autism Speaks. Il y a plein d’autres associations qui utilisent le bleu, ce n’est pas juste Autism Speaks.
- Pour moi que le bleu soit associé à un sexe je n’y crois pas. Et ça ne me fait rien en tant que fille.
- Vous avez pas trouvé mieux à faire. Il y a des choses plus importantes que ça à se soucier.
- Sérieux, en cette belle journée vous trouvez le moyen d’avoir des conflits!
- Pourquoi mon école parait-elle de bleu alors?
- Les gens ont besoin d’un symbole clair. Les NT aussi on besoin que ce soit clair.
Dans les derniers jours j’ai vu passer des messages de réaction aux mouvements ne voulant pas utiliser le bleu cette année pour le mois de l’autisme. Les gens sont assez réactifs. Je passerai donc 1 à 1 les points si haut.
Mais ça a toujours été le bleu pour l’autisme!
L’argumentation que quelque chose a toujours été fait d’une manière et que cela justifie le fait de continuer de le faire de la même façon n’a jamais été un bon argument. Je comprends que nous soyons attachés à nos habitudes, que les points de repère sont rassurants et qu’il est épuisant de changer toujours les choses et d’en apprendre de nouvelles (en fait moi j’adore apprendre de nouvelles choses, mais paraitrait que ce n’est pas si commun que ça). Bref, on commence à s’habituer au bleu pour le 2 avril, on a fortement associé autisme et bleu ensemble dans notre tête et on n’aime pas que ce concept que nous avons acquis soit remis en question.
Imaginez où nous en serions aujourd’hui si nous nous étions arrêtés à cette phrase «mais on a toujours fait comme ça». Pensez à toutes les lois pour les droits des hommes, des femmes, des enfants et des animaux que nous avons mis en place dans les dernières décennies.
Pourquoi laisser les femmes voter? Mais on a toujours fait ça ainsi.
La peine de mort? Mais on a toujours fait ça!
Mais comment je vais faire pour que mon enfant m’écoute maintenant si je ne peux plus le corriger? On a toujours fait comme ça.
Les mariages entre personnes de mêmes sexes? Mais quelle idée, on n’a jamais fait ça!
Je n’irai pas trop loin dans mes exemples, sinon je sens que ça va toucher des cordes trop sensibles. Mais l’idée est là, on a beau avoir toujours fait les choses d’une manière, changer notre façon de les faire n’est pas nécessairement une mauvaise chose. Juste parce qu’on s’est habitué à une façon de faire, ne justifie pas de la conserver ainsi.
Et si on essayait d’abord de s’entendre et faire la même chose, ça aurait pas mal plus d’impact.
Ce serait en effet génial de s’entendre sur une façon de faire. Et ça aurait effectivement plus d’impact. Mais si on veut faire bouger les choses, ça prend des gens qui iront à contre-courant afin de confronter l’ordre actuel des choses et peut-être arriver à établir une nouvelle façon de symboliser la journée internationale de l’autisme.
En attendant, la chose la plus productive que l’on puisse faire, c’est de ne pas se battre entre nous, car nous ne sommes pas d’accord avec les choix des autres. J’en parlais dans le billet précédent, mais même si pour le moment nous formons deux genres de clans, les bleus et les rouges, cela ne veut pas dire que nous ne luttons pas pour une même cause. Cela veut tout simplement dire que nous avons choisi une façon différente de le faire.
Nous n’avons donc pas besoin de nous insulter pour ces choix. Les mots clés du mouvement #RedInstead sont justement «l’acceptation», «l’inclusion», «le respect» et «la bienveillance». La première chose à faire afin de pratiquer cette idée serait d’accepter les choix des uns et des autres ici. (Ça vaut pour tout le monde).
Mais pour moi la pièce de puzzle ça ne veut pas dire ça. Votre définition stupide ne vient pas me rejoindre.
Ce n’est pas parce que ce symbole ne veut pas dire la même chose pour toi que ça change ce qu’il symbolise pour d’autres. Nous avons tous des perceptions différentes, des réflexions différentes, des vécus différents. Il est absolument normal que les choses n’aient pas la même signification pour chacun. Cependant, il y a eu des recherches entourant la question de l’image de la pièce de casse-tête pour représenter l’autisme et de l’effet que ça a chez certaines personnes autistes. Il y a une raison pour laquelle cette image a été choisie au départ, et même si elle ne correspond pas à «votre» perception de cette image, cette raison existe pareil.
Un ami à moi m’a donné comme exemple, en riant la semaine passée:
c’est comme si je disais : bien pour moi la croix gammée représente l’amour éternel, le bien-être et la paix. Alors je vais en mettre partout!
Mais les gens l’associent au Nazisme…
Ok, à l’origine, il était avant tout réellement un symbole de bon augure désignant l’éternité ou la bonne fortune. C’est donc supposé être un symbole à valeur positive, dans la majorité des cultures. Cependant, même si je m’éperdu à expliquer les origines de la Svastika, je ne crois pas que ça changerait grand-chose à la connotation que l’image a aujourd’hui. De plus, l’image d’origine est différente de la version utilisée par les Nazis, (mon exemple tiendrait donc encore la route). L’idée étant que le sens qu’à la pièce de puzzle par rapport à l’autisme n’a pas une belle connotation, même si je l’aimais bien.
Sinon il y a cette autre alégorie sur le féminisme :
Imagine que pour la journée internationale de la femme tous les exposés, articles, interviews, pièces médiatiques, présentations, etc. sont tous réalisés par des hommes, car ils ont une femme, une sœur ou une fille. Peut-être, une ou deux femmes ont l’occasion de parler.
C’est ce que les autistes ressentent lorsque nous sommes le 2 avril.
-Ryan Hendry
Mais je n’aime pas le rouge…
Tu n’es pas forcé de porter du rouge si tu n’aimes pas ça. Ce n’est qu’une suggestion. Il y a d’autres façons de souligner notre appui à la communauté autistique. Il y a le symbole infini, la couleur or, le multi-color (qui représente le spectre des couleurs), il y a le t-shirt de la fondation Louis et Véro, il y a des messages sur l’acceptation et l’inclusion. Plusieurs messages sont très beaux. On a pas besoin de se sentir coincer avec une couleur qu’on aime pas.
Aussi, je n’aime pas le rouge non plus. Mais ça n’empêche pas que je pourrais porter un macaron ou un breloque rouge pour une journée juste pour l’occasion (moins de 12 heures en moyenne). Mais encore là, rien ne m’y oblige. Il n’y a pas de règlement sur comment je dois m’habiller le 2 avril. Aucun.
Ici on peut trouver des t-shirt ni bleus ni rouges: https://boutique.fondationverolouis.com/
Ici en France ça fait des années que nous utilisons le bleu et nous ne connaissons pas Autism Speaks.
C’est génial que la France n’associe pas le bleu à Autism Speaks. Et c’est très bien qu’elle lutte pour la sensibilisation de l’autisme. Mais je me répéterai, ce n’est pas parce qu’une personne fait une chose d’une façon, en se disant que ce n’est pas la même chose, que ce n’est réellement pas la même chose. Si aujourd’hui toutes les associations et organisations pour l’autisme adoptent le bleu, il y a sans doute une raison. Avant Autism Speaks il n’y avait tout simplement pas de couleur. Donc ensuite les autres ont suivi.
C’est qu’à l’origine, c’est l’association américaine Autism speaks qui a lancé l’opération « Light it up blue ». Pourquoi? Premièrement, parce que le trouble du spectre autistique était presque 5 fois plus fréquemment diagnostiqué chez les garçons que chez les filles. Il faut garder à l’esprit que ce chiffre change présentement et que la réalité serait peut-être différente. Puis, deuxièmement, car le bleu est vu comme la couleur des garçons. (si nous vivons dans la même société, vous l’aurez remarqué. Sinon, ce n’est pas grave).
Une autre raison que j’ai trouvée, semble être que cette couleur «symbolise le rêve et la vie, mais également parce que, douce et apaisante, elle semble appréciée des personnes autistes et permet de calmer leurs angoisses». J’aime bien cette douceur du bleu. Cette couleur possède certes son charme.
Il ne faut cependant pas oublier qu’Autism Speaks est parmi les organismes qui travaillent pour trouver une cure afin de guérir l’autisme. Seulement 4% de leurs profits vont dans les services pour les familles, alors qu’il y a beaucoup d’argent investi dans la recherche d’une cure. Quoique dans nos surprises cette année, les slogans d’Autism Speaks parlaient d’acceptation et d’inclusivité. Des changements positifs à l’horizon? Qui sait…
Encore là, personne n’empêche personne de briller de bleu le 2 avril. Si c’est votre façon à vous de soutenir les personnes autistes et que vous vous sentez bien avec cela, allez-y. Il n’y a pas de règle.
Pour moi, que le bleu soit associé à un sexe je n’y crois pas. Et ça ne me fait rien en tant que fille.
Pour moi non plus ça ne change rien. J’ai toujours aimé le bleu, je ne me suis jamais sentie comme les autres filles et ça fait mon bonheur que la couleur ne soit pas le rose dans le fond. Mais qu’on croie ou non à associer une couleur à un sexe, on doit tout de même rester conscient que dans notre société les couleurs ont tendance à être genrées.
Juste se promener dans un magasin de vêtement et essayer de trouver des vêtements de filles qui n’ont pas de rose… C’est un sport. J’ai essayé. Ce n’est pas impossible, mais si ton budget est serré et que tu n’as pas envie de faire 10 magasins pour trouver ce que tu as besoin, c’est une autre paire de manches. Alors de dire que le bleu qui est associé au garçon ça ne nous rejoint pas. On a le droit. C’est pas faux. Mais je ne sais pas ce que ça change aux faits?
Vous n’avez pas trouvé mieux à faire. Il y a des choses plus importantes que ça à se soucier.
Bien non, on a rien d’autre à faire que de créer des conflits et de créer la confusion en changeant les couleurs (sarcasme). Oui, il y a des choses plus importantes à faire dans le monde de l’autisme, mais si on n’arrive même pas à choisir les couleurs et les symboles qui nous représentent comment pouvons-nous même espérer qu’un jour on nous laissera prendre la parole pour nous-mêmes?
Cette année encore, des organismes ont donné la parole aux parents d’enfants autistes en oubliant de donner la parole aux adultes autistes.
Des adultes autistes? Mais voyons ça ne parle pas ça. Ça se cogne la tête sur les murs en mangeant de la mousse de sofa.
En fait non. La majorité des enfants autistes deviennent des adultes autistes. Ça ne disparaît pas en cours de route. Et même si les médias aiment bien nous parler des cas les plus extrêmes, ceux qui leurs donneront des vues, ils oublient de mentionner que c’est la réalité de seulement une petite proportion des enfants autistes.
sérieux, en cette belle journée vous trouvez le moyen d’avoir des conflits!
Il n’y a pas de conflit si vous ne répondez pas de façon conflictuelle. Montrer ses couleurs ne devrait pas être perçu comme un acte de confrontation qui doit absolument mener au conflit. Il est tout à fait possible de faire défiler sa page si on est pas d’accord avec le contenu d’une publication et de tout simplement l’ignorer.
Oui, le mouvement #redinstead se veut un peu confrontant. Mais ça ne veut pas dire que ça doit impliquer des conflits. Le conflit devient un choix personnel à partir du moment que nous décidons de commenter à une publication de quelqu’un. Le meilleur moyen de les éviter est d’ignorer. Et si même en les ignorants, les conflits viennent à vous, vous avez toujours le choix de bloquer les commentaires sur une publication, d’effacer un message ou encore de bloquer un utilisateur, s’il ne comprend pas le respect.
Pourquoi mon école parait-elle de bleu alors?
Je trouve personnellement bien que plusieurs écoles aient choisi de participer cette année. Il est correct d’appuyer les actions de l’école de votre enfant. Le bleu commence à peine à être connu, il est normal que les directions d’écoles parlent de bleu. Rien d’inquiétant ici. Et ce n’est pas parce que les écoles paraient de bleu que ça veut dire que c’est la seule façon possible de briller en cette belle journée.
Ça ne veut pas dire qu’en tant qu’adulte nous ne pouvons pas nous informer sur les autres façons de militer pour les droits des personnes autistes. Si vous êtes une personne impliquée et que vous êtes un peu au courant de l’initiative de porter du rouge à la place du bleu, faire imprimer un chandail avec «Brille avec ta couleur», acheter un chandail de la fondation Louis et Véro disant «Différent comme toi», mettre une bannière différente sur votre page Facebook, juste respecter les personnes autistes tous les jours de l’année, etc. Il y a tant de façon de soutenir une personne autiste,
Les gens ont besoin d’un symbole clair. Les NT aussi ont besoin que ce soit clair.
Oui. Il serait mieux d’avoir un seul symbole, clair, qui rejoint tout le monde pour que les gens ne se sentent pas perdus avec toutes ces histoires. J’en conviens. Seulement, la communauté autistique est en train d’essayer de faire bouger les choses, de prendre leur place, d’être entendue et pour ça elles ont besoin de support. Elle n’y arrivera pas en ne faisant rien. Et elle n’y arrivera pas non plus en se faisant freiner, car les gens ne veulent pas changer les choses, car ça les confronte.
Aucune révolution (c’est peut-être un grand mot. Ou pas), ne s’est faites en restant planter les bras croisés. Peut-être qu’avec le temps nous arriverons à trouver une nouvelle façon de représenter l’autisme de façon à ce que ça plaise davantage aux personnes principalement concernées (c’est-à-dire les autistes), mais d’ici là il faudra un peu de confusion, de déstabilisation et de confrontation afin de créer quelque chose ensemble.
Paya Peste
Je vous partage cette belle publication positive de Lucila: