La bulle

Mon conjoint me demandait l’autre jour : « Ta bulle ce n’était pas plutôt parce que les gens autour te paraissaient plates que tu y allais ? », « Mais qu’est-ce qui t’a fait sortir de ta bulle ? »  

À ces deux questions, je me suis beaucoup questionnée moi-même !  

Pour lui, la bulle c’était comme une décision consciente, en réaction au monde qui m’entourait. Mais, en fait, ma bulle ce n’était pas quelque chose sur laquelle j’avais réellement du contrôle selon ce que je m’en souviens. Alors, pourquoi un jour suis-je parvenue à en sortir si ce n’est pas quelque chose que je contrôlais ? Et qu’est-ce qui a fait que j’en suis finalement sortie (on s’entend, ma bulle existe encore, je n’y suis juste plus aussi souvent et aussi longtemps qu’avant) ?  

D’abord qu’est-ce qu’était cette bulle pour moi ? C’était le monde où je vivais. Pouvant me divertir seule, sans l’aide de personne, je ne ressentais pas le BESOIN d’en sortir. N’ayant pas de responsabilité (ou n’étant pas consciente de l’existence de responsabilités potentielles) je n’avais pas besoin d’en sortir. N’ayant aucune autre obligation que de manger, me laver, aller à l’école et faire des devoirs, le reste du temps je pouvais pas mal vivre dans ma bulle. Et même pour les devoirs, disons que ce n’était pas toujours facile de franchir la limite qui séparait « bulle » et « monde réel » … En revenant d’une journée épuisante d’école, tout ce que je réclamais c’est de pouvoir enfin me ressourcer dans ma bulle.

Mais alors pourquoi en suis-je sortie et quand cela s’est-il produit ? Quels pourraient être les éléments déclencheurs de ce changement ? Il arriva un jour où je compris que l’enfance avait une fin. Que je devais faire face aux responsabilités ! Que je devais faire quelque chose de ma vie, dans le monde réel, « si je ne voulais pas finir comme mon père », comme ma soeur avait dit. Elle m’a expliquer un jour que si je voulais faire quelque chose de ma vie, faire quelque chose que j’aime et qui me stimule, il ne fallait pas que j’abandonne l’école en secondaire 4, sinon il ne me resterait pas beaucoup d’options pour le futur. C’est suite au redoublement de mon secondaire 4, alors que j’avais pris la décision de ne pas me réinscrire, que je finis par percer un peu cette bulle. J’ai moi-même été porté mon inscription en mains propres à ma directrice et c’est là que mon aventure a probablement commencé.

La bulle, je n’en étais pas encore sorti. J’avais juste créé une fissure suffisamment importante pour commencer à ouvrir les yeux sur ce qui m’entourait. Soudainement dans ma vie j’avais réalisé que je pouvais avoir un certain pouvoir sur ce que j’allais faire en grandissant (en vieillissant en fait, car je n’ai pas grandi depuis ce moment…)  

Ce qui m’a fait sortir de cette bulle c’est ce besoin de reprendre le contrôle de mon avenir, de faire quelque chose que j’aime dans la vie, de m’accomplir, de m’épanouir. Pour la première fois dans ma vie, j’avais un pied dans le monde réel. J’allais affronter le vrai monde, les responsabilités et les obligations. J’allais me responsabiliser et développer des outils vers une meilleure autonomie. Dans mon imagination je pouvais faire ce que je veux. Dans le monde réel c’était un peu plus compliqué.

Je n’ai pas eu que des moments faciles, j’ai travaillé très fort pour réussir au cégep, me trouver des petits emplois sympathiques qui me plaisaient, pour atteindre l’université et me rendre là où je suis rendue, à la maitrise en enseignement des arts. Dans 4 ans j’aurai un brevet d’enseignement <3

Mais pour les emplois, je n’ai jamais pu garder un emploi à moins qu’il me plaise pour de vrai. Je suis également incapable de conjuguer entre travail et études. Alors, pendant que je suis (ENCORE) aux études, si je n’avais pas l’aide de mon conjoint je ne pourrais jamais y arriver. Ça pourrait ressembler à un caprice, mais c’est vraiment un besoin crucial pour moi d’aimer ce que je fais, sinon mon anxiété monte énormément et ça ne va plus du tout. Sans compter qu’étudier et travailler en même temps, même si l’emploi me plait, je ne peux que gérer un sujet à la fois. Donc soit je travaille, soit j’étudie, les deux en même temps c’est difficile pour le cerveau de devoir sans cesse passer d’un à l’autre. J’ai du mal avec les transitions… J’aimerais dire que je suis autonome, mais à cause de cela je ne peux pas l’affirmer, pas tout à fait. Même si je suis rendue responsable, que j’arrive à planifier mes temps d’études, que j’arrive à trouver des solutions pour parvenir à payer mes quelques comptes, que je peux maintenir de l’ordre dans mon appartement, je ne dirais pas que je suis 100% autonome. Pas tant que je serai aux études du moins.

Mais revenons à cette histoire de bulle, car c’est de ça que l’on parlait. Donc, comment en suis-je sortie ? J’ai compris que j’allais devenir une adulte, que je le veuille ou non, alors aussi bien choisir ce que j’allais en faire. Puis j’ai découvert que pour réussir à atteindre les objectifs que je m’étais fixés je devais rendre visite au monde réel. Établir des contacts avec les habitants de l’univers en dehors de ma bulle et tranquillement me créer un petit nid dans cet autre monde que j’avais peu côtoyé durant mon enfance. 

Plus j’ai évolué, plus j’ai réussi à progresser hors de la bulle et loin des limites de la zone de confort qui entourait la bulle. Plus je suis allée loin de la bulle, plus j’ai accompli des réussites. Plus j’ai accompli des réussites, plus j’ai eu confiance en moi et plus je prenais ma place dans cet autre monde que j’apprenais tranquillement à apprivoiser. 

Le pouvoir du sentiment de réussite

Plus jeune, je n’avais jamais senti ce besoin ou cette obligation de le faire. Il n’y avait pas de conséquence directe sur le fait que je reste cloisonnée si souvent dans ma bulle. Je ne me protégeais pas nécessairement. Je ne voyais juste aucun intérêt à sortir de ma bulle. Alors pourquoi le faire ? Je n’avais pas d’intérêt à aller vers les gens. Je m’autosuffisais suffisamment dans mon imaginaire et mes jeux pour ne pas ressentir ce besoin. Peut-être est-ce que je ressentais qu’on ne m’écoutait pas vraiment, qu’on ne m’encourageait pas non plus. Les fois que je devais en sortir, pour jouer avec d’autres pour répondre à des questions pour interagir avec autrui, ai-je jamais ressenti que l’on m’écoutait vraiment ? Est-ce que mes idées étaient entendues ? Est-ce que j’étais prise en considération ? En fait je n’en avais pas l’impression. J’ai plutôt toujours ressenti que j’ennuyais les autres. Que je les dérangeais. Que j’étais de trop. Pour moi, je leur rendais service en restant dans ma bulle, au lieu de sentir que je ne les intéressais pas vraiment. Ceci n’est peut être que ma perception erronée des situations que je vivais, car en tant qu’autiste, j’ai découvert que ma perception différait souvent de la réalité.

Il y a pourtant des gens qui ont réussi à me faire sortir de cette bulle de temps en temps. Des tantes, des gardiennes, des personnes qui semblaient s’intéresser à moi ou qui du moins arrivaient à m’en donner l’impression. Mais étais-je réellement hors de ma bulle ou n’étais-je pas plutôt dans ma bulle avec eux en fait ? Car ce n’était pas moi qui m’ouvrais à leur monde. C’était eux qui acceptaient d’entrer l’instant d’un moment dans le mien.

Et cette bulle. En suis-je vraiment sorti tout compte fait ? Ou n’aurais-je pas plutôt agrandi ses limites pour faire en sorte qu’elle partage votre monde et le mien ? C’est une question à laquelle je ne pourrai surement jamais répondre. Mais aujourd’hui, je sens bien que j’ai réussi à établir un contact avec ces autres que je n’arrivais pas à comprendre autrefois et c’est ce qui compte.

-Paya

À la prochaine!

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