2 Avril 2020 – le printemps de l’apocalypse

Photo : Pexels

Ça fait longtemps que je n’ai pas écrit sur le blogue. Normalement, le 2 avril j’aurais écrit un texte. Mais je ne l’ai pas fait. D’Abord parce que l’an dernier les débats des gens entourant l’utilisation de couleurs ou de symboles en l’honneur de cette journée mondiale de la sensibilisation à l’autisme m’ont tapé sur les nerfs. Ensuite, c’est que cette année, le 2 avril a pris pour moi une tout autre avenue.

Je dépose mon masque d’autiste aujourd’hui pour vous raconter une petite histoire.

Je sais que 2020 sera marquante pour beaucoup d’autres familles. Elle sera, sans aucun doute, difficile pour tout le monde. Pour nous, elle était déjà particulièrement remplie de défis jusqu’à maintenant.

D’abord, le mois de janvier a débuté par une grippe, doublé d’une forte toux. Enceinte de 6 mois, c’était un peu désagréable avec le ventre qui avait pris de l’expansion. Mais il parait que la grippe a été difficile cette année. C’est ainsi. Je n’ai donc pas fait exception à la règle.

Léo Félix : Premiers jours de vie

Jusque là, ma grossesse allait super bien. Je n’avais aucune anomalie, aucun risque prévu. Je n’avais ni de diabète de grossesse ni de haute pression. J’ai pourtant accouché prématurément de 12 semaines d’avance le 22 janvier. Ce qui veut dire que nous avons passé près de 12 heures par jour à l’hôpital pour donner amour et soutien à ce petit être trop pressé de nous voir, pour un minimum de deux mois. Pas de visite permise. Donc personne ne pouvait le voir avant sa sortie.

Mais nous étions loin d’être seuls dans notre situation. Nous étions nombreux même. Certaines familles vivaient dans le quartier, d’autres devaient faire près de 2 heures de route par jour pour voir leur mini. Certaines n’étaient là que de passage, quelques jours tout au plus, d’autres ont été à l’hôpital bien plus longtemps que nous. À travers cette aventure j’ai vu de belles choses. Des pères faire du « peau à peau » avec leur minuscule bébé et être plus présents dans la vie familiale que je ne l’avais jamais imaginé. J’ai rencontré une tonne d’infirmières attentionnées, qui aiment ce qu’elles font et offrent leur soutien aux bébés et leurs parents. J’ai été fatiguée, en pleine forme, heureuse, nerveuse, curieuse, claquée, etc. Ces deux mois ont été intensifs, mais très formateurs.

Photo : Léo grossit

Entre temps, j’ai eu trois blocages ainsi que deux infections des canaux lactifères. J’ai dû passer énormément de temps à traiter mes seins pour régler ces problèmes. J’ai dû mettre des compresses chaudes, des compresses froides, faire des massages, exprimer le lait manuellement, exprimer le lait au tire-lait jour et nuit (aux 3 heures), mettre des feuilles de chou pour désengorger les seins, prendre de la lécithine de soya, boire plus d’eau, prendre des antibiotiques, mettre de la lanoline sur les bouts des seins… Mon bébé prématuré ne pouvant pas boire au sein, je devais alors tirer mon lait toutes les 3 heures. Cependant, un tire-lait n’est pas aussi efficace qu’un bébé pour vider les seins…

Puis, comme le restant de la population mondiale, pendant que nous étions encore à l’hôpital nous vivions la pandémie… ce qui peut être stressant par moment. La peur de contracter le virus à chaque fois que nous mettions les pieds à l’hôpital pour venir voir notre bébé. Il y a eu des mesures préventives qui ont été ajoutées aux mesures déjà existantes de l’unité néonatale. Ces mesures nous ont compliqué la vie à mon conjoint et à moi, puisque nous ne pouvions venir qu’un à la fois maintenant, que les parents ne pouvaient plus attendre dans le salon de parents et que je ne conduis pas (honnêtement, vous êtes contents que je ne conduise pas). mais c’était rassurant de voir ce qu’ils mettaient en place afin de protéger la vie de nos bébés si fragiles.

La première rencontre

Maintenant que nous sommes enfin rentrés à la maison… personne ne peut venir le voir. Ni la famille proche ni les amis. C’est pour la sécurité de tous. C’est primordial de respecter les consignes de confinement. Mais c’est très éprouvant pour les grands-parents et c’est déchirant de les voir. Je sais qu’ils se languissent d’enfin pouvoir rencontrer leur petit fils. Pour mes beaux-parents âgés de 70 ans, c’est leur premier. Je peux voir la douleur et la tristesse dans leurs yeux. Puis on se rappelle que notre situation est la même que le restant de la province actuellement. Ils aimeraient tellement pouvoir le prendre dans leurs bras. Pouvoir sentir son odeur. Et le regarder dans les yeux en leur chantant des comptines.

Photo prise dans notre atelier

C’est dans ce genre de situation que nous sommes heureux d’avoir accès aux technologies qui nous permettent de prendre des photos et des vidéos depuis le jour 1 de sa naissance et de faire profiter des beaux moments avec ceux qu’on aime, même s’ils doivent encore attendre avant de pouvoir le prendre dans leurs bras.

Mais le 2 avril dernier, bien que cette date était déjà une journée spéciale pour moi puisque c’est la journée de la sensibilisation à l’autisme… Cette date aura maintenant une nouvelle et triste importance; ma mère nous a quittés ce matin-là. Elle, qui avait la santé fragile depuis déjà un bon moment, nous a dit au revoir pour toujours… Ce n’était pas la Covid-19. C’est son cœur qui a lâché après tant d’années à avoir fait de l’emphysème.

Ma mère n’aura même pas pu prendre son dernier petit-fils dans ses bras. Elle n’aura pas non plus eu la chance de le voir derrière une vitre. Mais le destin lui a quand même permis de voir sa binette en photo et en vidéo avant de partir. Elle a pu lui parler un peu en le regardant se faire donner un bain par vidéo. Elle semblait vraiment heureuse de pouvoir vivre ce moment avec nous. Si ce n’était pas de l’arrivée hâtive de notre petit Léo, elle ne l’aurait même jamais vu, ce petit être qui devait venir au monde dans les derniers jours (7 au 14 avril).

Juin 2019

Le processus est déjà commencé : la pandémie prendra fort probablement de nombreuses vies au cours des prochains mois. Je commence à voir apparaitre dans mon actualité facebook de plus en plus de connaissances dont une mamie, un papi ou un parent est partie dans les derniers jours. Cette situation m’attriste. Nous avons un devoir collectif. Nous devons aider notre gouvernement à nous protéger. Restons chez nous. Limitons nos déplacements, ainsi que nos interactions physiques.

Et c’est ainsi que commence le printemps. En souhaitant perdre le moins d’être aimé possible dans les prochaines semaines <3

-Paya

Photo : Pexels

1 réflexion sur “2 Avril 2020 – le printemps de l’apocalypse”

  1. Bonjour, en vous lisant j’ai ressenti cette douleur, colère, face à ce système déshumanisé qui nous oppresse tous. Il est difficile d’accepter et de pardonner…
    Je suis à 10 000 kilomètres de ma grand-mère qui a 95 ans dans un hôpital en Bretagne froid février.
    Je ne pense pas que je pourrais la revoir ni même fleurir la tombe qu’elle n’aura jamais… Heureusement, elle reste à jamais dans mon cœur, dans les bons souvenirs.
    Nous devons rester fort dans l’adversité et c’est l’amour qui nous sauve un peu tous les jours.
    Merci pour votre témoignage. Force et courage !
    Gabriel.

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