La coordination dans mon apprentissage

Comment ai-je fait un BAC en danse en étant autiste?

Partie 3

La semaine dernière j’ai parlé de ce que les autres voyaient comme étant des défis potentiels pour moi, ici je parlerai de ce qui m’a semblé être mes plus gros défis durant mon BAC en danse.

Les endroits où je sentais que j’avais le plus de difficulté étaient en rapport à la coordination du mouvement, la compréhension de directive abstraite verbale des mouvements, puis finalement ce sentiment de ne pas comprendre mon décalage avec les autres.

Je n’ai pas de problème moteur sévère, rien de trop apparent pour le commun des mortels. Je suis très douée pour casser des verres dans des situations un peu surprenantes, mes épaules se cognent souvent dans les cadrages de portes, mes hanches rebondissent en se heurtant aux murs dans mon corridor lorsque j’essaie d’éviter un obstacle et j’ai toujours des bleus sur un genou, un coude, une cuisse : au même niveau des rebords de tables basses ou de comptoirs de cuisine. On voit un peu le talent.

Je n’ai pas de problème moteur sévère dans le sens où je suis très habile à faire des culbutes, des roues latérales, faire du yoga, me promener près du sol en faisant des enchainements compliqués qui ne me demande pas d’être debout, sur mes deux pieds. Pour la majorité des classes de danse, où nous passons tout notre temps à la verticale, j’ai de manière générale dû passer plus d’heures à pratiquer que la moyenne de mes collègues, surtout au début du bac, pour réussir à maitriser les mêmes enchainements qu’eux.

Enchainer deux mouvements ensemble que je n’ai jamais enchainé avant me cause des problèmes, même si je connais déjà les deux mouvements. Je dois préciser que je n’ai jamais dansé avant le cégep. J’avais donc 19 ans lorsque j’ai finalement décidé de suivre mon rêve, malgré les conseils de mon entourage. J’avais fait de la gymnastique récréative à 5-6 ans et du patin artistique de 7 à 10 ans. Puis 9 ans de rien du tout. Je dessinais beaucoup, mais je ne bougeais pas du tout. Après avoir perdu 40 livres à 16-17 ans, j’ai repris le sport un peu, mais on peut s’entendre pour dire que lorsque j’ai décidé de commencer le DEC en danse, je partais de zéro. Lorsque j’apprenais de nouvelles séquences, il y avait souvent des mouvements que je faisais pour la première fois. Parfois, plusieurs nouveaux mouvements, tous ensemble dans la même séquence…

Mes plus grandes difficultés avec le mouvement viennent de ma compréhension des instructions verbales. Pendant que les autres en prennent et en laissent, moi je prends tout et je prends tout au pied de la lettre. Or, la danse n’est pas une chose statique ayant une seule vérité, elle est une chose dynamique, changeante et adaptable, dans laquelle il faut suivre une ligne directrice pourtant précise dont il ne faut pas s’éloigner. Comme pour la partie « expressivité » le défi est de distinguer ce qui doit rester et ce qui peut être adapté. À quel point je dois reproduire les formes au millimètre près exact ? Jusqu’où puis-je varier la position de mon bras avant que je ne sois plus correcte ? J’ai l’impression que c’est souvent dans le non-dit et l’implicite que l’on sait où se trouvent les marges. Je n’ai pas eu cette fonction à la naissance « la lecture de l’implicite et des non-dits » et ça me rend souvent la vie dure. Ce qui semble évident pour la majorité ne l’est malheureusement pas pour tous.

Pour à la coordination dans le mouvement, il s’avère que les danseurs vivent tous, à un moment ou à un autre, cette difficulté en danse. La différence c’est que pour moi cette difficulté me vient souvent de ma compréhension des directives verbales. Si je ne reproduis pas un mouvement avec une autre personne, en employant des termes clairs et exacts, je risque de ne pas parvenir à exécuter ce qu’on me demande de façon juste. Les « pa ra papapam, di da da pa ta », ça ne fonctionne pas pour moi. Ça m’aide avec le rythme, mais pas pour intégrer le mouvement cognitivement. Je vois le mouvement, je sais ce que la professeure fait, cependant je bloque à certains d’entre eux, car la directive est trop vague et abstraite. Très heureusement, plus j’apprends de mouvements et plus j’apprends différentes combinaisons de ceux-ci et moins il est difficile de les reproduire lorsque j’apprends de nouvelles séquences.

Avec beaucoup de travail, du temps et la bienveillance de mes collègues et de mes professeurs, j’ai pu y arriver. Avoir eu mon diagnostic ne m’aura aidé qu’à comprendre ce dont j’avais besoin pour réussir et pourquoi j’avais des difficultés où d’autres n’en avaient pas ; mais aussi des forces personnelles.

Paya Peste

La suite la semaine prochaine <3

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